Ce n’est pas un lieu dans lequel j’arrive. C’est plutôt un point de départ, même quand j’y reviens. Car c’est ici qu’a commencé le voyage vers l’intime de moi. Ce château qui m’accueille ne se laisse pas prendre ni conquérir et je ne sais jamais vraiment quand je vais y poser mes valises. Ça commence toujours par le crissement du gravier de la cour sous mes pas, comme le souvenir du chant des cigales de l’enfance. Je sais que ce sera joyeux et émouvant. Je sais que nous serons nombreux à bénir ces retrouvailles. Je sais aussi qu’il sera là, qu’il m’attend, lui aussi est impatient que je le serre dans mes bras. Nous ne sommes jamais aussi proches qu’à Assenois. Je passe la porte, déjà les embrassades commencent et mon cœur pétille. Nous avons tous retiré nos costumes de ville, lâché nos drames pour dénuder un peu nos âmes, faire prendre l’air à nos fragilités. Petit à petit, je le sens qui approche, qui sautille. C’est pour lui que je suis venu. Pour qu’il puisse prendre part au festin de la joie. Je sais bien que parfois il me paraîtra un peu embarrassant, un peu envahissant. Il n’est pas exclu qu’il me fasse pleurer. Mais plus je viens ici, plus je suis content de le retrouver. Il me semble que je l’aime un peu plus à chaque fois. À force, je finis par sentir l'envie de prendre soin de lui avec beaucoup de tendresse. Je crois que ça lui fait du bien que je revienne, car ici il rencontre d’autres enfants comme lui, cachés la plupart du temps à l’intérieur, habillés de tristesse, un bâillon de bien séance sur la bouche. Ici, tous les enfants s’expriment librement. Et le maître des lieux les incite même à bondir hors du cadre, à oser apparaître, monter sur scène, chanter, danser, rire. Tout cela prend quelques jours même si dès mes premiers pas au château je sens cette joie d’être là. Les arrivées sont décalées, le corps, les pensées, le cœur, l’enfant intérieur, l’être profond. Un certain temps est nécessaire à la réunion de toutes ces parts.